Mon enfance rue des alouettes et aux Buttes Chaumont…
Que de souvenirs lorsque je lis votre article Yves….
Mes parents et moi habitions le même secteur, Très précisément à la place des anciens studios de la RTF au 38 rue des Alouettes. Mes parents habitaient avant ma naissance rue de l’Encheval, et ont emménagé à ma naissance au 38 rue des Alouettes en novembre1950. J’avais une chance inouïe, je disposais d’une immense cour avec un grand jardin où, mes parents cultivaient fleurs et légumes. Maman était la gardienne de l’usine du mastic « L’homme Lefort » où nous habitions.
L'usine de mastic Lhomme Lefort, existait déjà en 1908 au 38 rue des Alouettes. Photo catalogue eBay
Il y avait en entrant une très grande allée pavée, puis la
cour et notre jardin. J’avais un tas de sable et une balançoire (en fer forgé)
que mon père m’avait faite.
Petite, je jouais à la poupée avec mon landau, ou je jouais à la dinette dans le jardin. Combien d’heures ai-je passé à me balancer aussi haut que je pouvais, en chantant à tue-tête le dernier succès de DALIDA. Lorsque j’arrivais à la bonne hauteur, je pouvais voir la rue par-dessus la palissade, là, je pouvais voir mon père travailler juste de l’autre coté de la rue. Il était là chaque jour dans son atelier de ferronnerie d’art.
Martine en train de faire ses devoirs dans la cour de sa maison
Notre maison était grande, c’était l’ancienne maison des propriétaires mais nous n’occupions que 3 pièces et la cuisine. En haut deux chambres, la cuisine et la salle à manger en bas. Nous n’avions qu’un gros poêle à charbon pour chauffer le bas et le haut dans les chambres l’hiver, le givre se formait sur les carreaux des fenêtres. Mais j’avais un gros édredon en plume qui me tenait bien chaud, et au cœur de l’hiver, papa ou Maman, me mettaient une brique chauffée dans mon lit, cela me réchauffait les pieds.
Nous n’avions pas l’eau chaude, et il fallait sortir pour aller chercher les seaux de charbon à la cave. Mais l’accès à son escalier se trouvait à l‘extérieur. Les WC se trouvaient au bout de la maison à l’extérieur également, il fallait faire tout le tour… Pour cuisiner maman avait un petit réchaud à gaz deux feux, et un four en dessous.
Le matin vers 5h papa allumait sa forge, et à partir de 6h30 le quartier se réveillait au son de l’enclume. A cette époque cela ne gênait personne. Les voisins se disaient que le grand René était déjà à l’ouvrage. Puis dans la matinée, c’était au tour des artisans. Ils déambulaient le long de rues
entraient dans les cours, criant… Vitrier, Rémouleur, Rétameur. Ah, nous étions bien loin des plaintes portées contre un clocher, un coq, un tracteur, une vache. Tout ce qui ruinait la « Grasse matinée » de Monsieur ou Madame.
Notre grand portail en fer, s’ouvrait pour laisser passer les camions qui allaient tout au bout de la grande allée pavée, où se trouvaient les ateliers du « mastic l’Homme Lefort », ils se trouvaient juste le long des studios qui donnaient également rue Carducci.
Une nuit, J’avais 3 ans, le 28 février 1953, mes parents me réveillèrent et me firent sortir de la maison en vitesse car une partie des studios était en feu ! Je me souviendrai toujours malgré mon jeune âge et mes yeux emplis de larmes de, cet escalier en bois s’écrouler juste au bout de notre cour… Mes parents et le directeur des ateliers « Monsieur Roche » avaient une peur folle que les ateliers ne prennent feu. Car bien entendu il y avait beaucoup de produits inflammables entreposés dedans.
Il y avait également juste après notre cour rue des alouettes un autre petit atelier (dont je ne me souviens plus le nom) et ensuite une entrée de la RTF accédant aux studios où passaient les camions qui venaient livrer la RTF. Suite à l’incendie, une percée avait été ouverte dans le mur de notre cour, elle laissait passer les artistes qui devaient se rendre dans cette partie des studios restants. Quel spectacle pour moi ! Tous ces visages célèbres qui passaient là, allant retrouver leur loge pour se préparer à répéter…
En 1957 papa nous apporta un poste de télévision à la maison. C’était un de ces vieux postes en bois de marque « TVA » pesant un âne mort, il prit toute la place sur le petit meuble de la salle à manger ! Le soir venu, On regardait Pierre Bellemare et Jacques Antoine dans l’émission « la tête et les jambes »… Je me souviens d’un candidat qui devait se faire « rattraper » d’une réponse fausse, par une épreuve sportive laquelle avait lieu juste devant chez nous ! Que de monde devant notre maison et dans toute la rue ! C’était exceptionnel. Nous regardions aussi les émissions médicales qui avaient lieu en direct, et 5 colonnes à la une avec Pierre Dumayet, Pierre Desgraupes , Pierre Lazareff et Igor Barrère. Je me souviens que lors d’une émission médicale on voyait la neige tomber à la télé et on s’est aperçu en mettant le nez à la fenêtre, qu’il neigeait réellement… Il y avait aussi la Piste aux étoiles, l’émission de cuisine de Raymond Oliver et Catherine Langeais en 1956 ou 1957, et tous les feuilletons, Le Temps des Copains avec Janique Aimée …
Martine est à gauche
La rue du plateau, tout un monde pour moi ! D’abord le café qui faisait l’angle gauche « Chez Joly » où mes parents allaient de temps en temps prendre l’apéritif, mon père y emmenait ses clients pour traiter ses commandes. Ce café Je revois le comptoir à droite en entrant et au fond de la salle un billard. Il existe toujours mais bien sur il a bien changé. Après, il y avait une cave qu’on appelait « la Bergerac », qui vendait du vin à la tireuse. Sans doute, y avait-il là quelques bouteilles de cette région. Ca empestait le vin lorsqu’on y entrait surtout pour moi toute gamine. Ensuite il y avait une boulangerie où une grande partie des gosses de l’école de filles d’à côté, rue des Alouettes, nous retrouvions pour acheter les « bombecs » à 1f, Mistrals gagnants, roudoudou, carambars, des rouleaux de zan etc
…
Puis un peu plus loin, une épicerie » chez Antoinette », où maman allait souvent servir pour la remplacer lorsqu’elle se faisait emmener aux Halles ou autre. J’aimais y aller, je me souviens de ce comptoir à droite qui faisait bar, Il y avait toujours des ouvriers qui venaient boire un verre et au milieu son étal de légumes et fruits. Sur les murs de la boutique se trouvaient des étagères remplies de boites de conserves, pâtes et légumes secs. J’étais fascinée par la balance avec ses poids, et ne comprenais pas comment çà marchait. Il m’arrivait de m’installer dans son arrière cuisine pour faire mes devoirs.
Et juste après un atelier de métallurgie, je me souviens y avoir vu des cuves en sortir, mais à quoi servaient-elles ?
Après il y avait une papeterie. Le patron attendait souvent le client sur le pas de sa porte au passage il nous disait « Alors petite, on promène sa maman ? » et jute après, un petit immeuble où j’allais souvent car y habitait « La famille Chenin ». Je les ai bien connus car mon frère s’est marié avec leur fille Sylviane, et il y avait Michel, Claude et Gérard. Gérard avait le même âge que moi c’était le plus jeune. Au bout de la rue se trouvaient les archives. Sur l’autre côté de la rue du plateau face aux « Chenin » le café chez Nayrol. Papa y allait de temps en temps l’après midi taper le carton », jouer au tarot. Puis encore une épicerie et le petit passage du plateau qui me faisait peur tellement il était sombre et étroit ! Ensuite c’était la marchande de couleurs comme on disait à l’époque, Madame « Pièle ». Lorsqu’on approchait de sa boutique on était pris par cette bonne odeur de cire, de savonnette, on y trouvait de tout ! C’était un capharnaüm indescriptible, mais elle savait où se trouvait chaque chose, même la plus petite… Il y avait des martinets pendus pour les enfants qui n’étaient pas sages ! J’entends encore le tintement de la clochette lorsqu’on entrait…
Rue des Alouettes, en face de la rue du Plateau il y avait une marchande de journaux. Chaque jeudi, dès mon déjeuné avalé j’allais chercher le journal de Mickey avec ma pièce de 50cts. Je me souviens bien de cette boutique, avec son étal en U qui montait pour qu’on voie bien les journaux, et la libraire qui était une toute petite femme qu’on voyait à peine derrière les revues. La journée, je passais une partie de mon temps assise sur le bord de la fenêtre de l’atelier de papa et le regardais travailler. Régulièrement il me donnait une pièce pour aller chercher des berlingots à la petite épicerie un peu plus loin en face de la rue du Tunnel.
Rue du tunnel, à l’angle se trouvait encore un café qui faisait téléphone, rare à l’époque, et qui faisait aussi livraison de charbon c’est chez elle qu’on commandait notre charbon, on l’appelait « la Bougnate » ou par son prénom, Torine. En face encore une épicerie « Madame Hanène » et plus loin dans la rue une boulangerie, et au bout à gauche un coiffeur « Monsieur Kalfa ». Maman m’y envoyait de temps en temps pour me faire couper les cheveux. Moi je voulais les garder longs ! Au bout se trouvait sur la droite la Biscuiterie « PHYDOR » Avenue Simon- Bolivar.
Les buttes Chaumont, au bout de la rue des Alouettes, l’escalier qui descendait dans les Buttes Chaumont, avec sa piste de patins à roulettes sur la gauche. A droite de l’escalier, un grand restaurant où ma cousine s’est mariée, dont je ne me souviens plus du nom… Rosa Bonheur maintenant je crois… Je me souviens de ce train à vapeur qui passait dans le tunnel appelé la « petite ceinture » très prisé des parisiens jusqu’en 1930. Et juste au dessus et en face de ce restaurant, il y avait un petit chemin avec des chaises très prisées des jeunes amoureux car bien à l’abri des regards…
Puis sur le parapet des Buttes, avenue Simon -Bolivar, les hommes qui jouaient aux boules à longueur de journées, et papa y allait souvent l’après midi il y avait aussi Henri Salvador qui venait souvent jouer aux boules et dont le rire reconnu de tous retentissait ! Que de fois ai-je descendu cet escalier face à la rue des Alouettes et qui était longé par un ruisseau qui descendait jusqu’au lac… On allait au manège et là le monsieur nous donnait un bâton pour attraper au vol les anneaux placés sur une planchette dont un anneau pendait à moitié. Lorsqu’on en avait 5 on gagnait un tour gratuit. Et les balançoires doubles où l’on se mettait face à face
et qui étaient juste à droite de la sortie donnant sur la place de la Mairie du 19 e.. Et puis encore le petit âne qui tirait une calèche et nous faisait faire le tour du lac. L’insouciance de la jeunesse à l’état pur… Il y avait des chaises, payantes, et une dame passait pour récolter le prix. C’étaient surtout les personnes âgées ou les mères de famille qui s’y installaient. Dommage que nos jeunes actuels n’aient pas cette insouciance de tranquillité et sécurité…
Rue de la villette, Nous allions à la pharmacie et à côté le « patronage » où allait mon frère, ainsi qu’à la boucherie qui faisait aussi chevaline, et de l’autre coté de la rue, chez notre médecin le Docteur Chevrillon ! Un homme en or, dévoué à ses malades, ami de notre famille. Il venait souvent à la maison car je faisais des otites à répétition et parfois il fallait qu’il m’emmène à l’hôpital. J’avais l’honneur de monter dans sa belle traction noire… Je me souviens de son cabinet avec ses nombreux soldats de plomb Napoléoniens dans sa vitrine sur le côté de son bureau. Il en avait aussi dans son appartement, papa lui avait fait en fer forgé un lampadaire en forme de fusil et des grilles de séparation pour son salon. Il m’arrivait d’aller jouer avec une gamine qui habitait dans la loge de gardien de l’immeuble.
Rue Carducci, encore une entrée pour les studios qui correspondait avec la partie qui a brûlé, et pratiquement en face, je me souviens d’une « remailleuse » chez qui je portais les bas de maman puis les miens plus tard lorsqu’ils étaient filés. Elle travaillait juste devant sa fenêtre et en passant on pouvait la voir travailler. Quelle minutie…
Rue Clavel, hélas en 1963 soit 10 ans après l’incendie des studios nous avons du déménager car expulsé. Toute notre vie fut changée. Nous avons trouvé un appartement au 9 de la rue Clavel. Ce n’était plus la même ambiance, la vie en appartement, nous étions au rez de chaussée, les toilettes communes à l’étage car c’était un ancien hôtel, et après mon certificat d’étude j’ai quitté l’école des Alouettes et suis allée au collège de bonnes sœur où j’apprenais la sténo dactylo rue des rigoles je crois, mais pas certaine… On avait tourné la page. Plus les mêmes copines plus nos charmants voisins, plus cette ambiance de village que nous avions… Que de regrets de cette époque… Mais… Chose étrange, la roue tourne, nous étions allés vivre au 9 rue Clavel alors que j’étais née 13 ans plutôt à la clinique qui se trouvait à l’autre bout de cette même rue à l’angle rue de Belleville, et hasard mon fils est né dans cette même clinique 18 ans plus tard, et avec la même sage femme qui avait fait
accoucher maman à ma naissance où elle finissait sa carrière. Parfois le hasard fait bien les choses…